Desierto de Atacama
Une
inauguration en grandes pompes, le blabla habituel, présentations et
courbettes, rencontre du gérant régional de SERCOTEC (Servicio de Cooperacion
Tecnica), quelques coups de téléphone et me voilà à l’autre bout du Chili, en
plein Désert d’Atacama...
... un autre
monde, totalement différent du Sud. Ça ressemble un peu au Sahara, aux
montagnes arides de l'Atlas en plus grand.
Dimanche, grace à une rencontre insolite entre deux collines (un marcheur amoureux de l’écho du désert) j'ai escaladé la grande montagne qui surplombe la ville de Copiapo... grandiose, le vide, l'étendue qui aspire !
L’idée de ce
voyage était de rencontrer un jeune microemtrepreneur, Victor, qui s’est lancé
dans la culture de champignons dans une ancienne mine. SERCOTEC, l’organisme de l’Etat qui finance via Capital Semilla (Capital semence), aimerait organiser un
voyage en France pour qu’il puisse découvrir d’autres techniques de culture et
comment s’organise la commercialisation.
Victor
semble avoir de bonnes idées... mais les ingénieurs viennent y mettre leurs
pattes blanchies par la politique d’exportation ! Victor a commencé à petit pas,
produisant sur des sacs de paille bouillis dans d'anciens bidons de diluant
(chauffés a 100 degré tout s'évapore), puis ensemencés pour produire des
pleurotes grises, qu’il appelle aussi « champignons huitres ».
La mine
doit avoir un peu de lumière, il a donc investi dans un panneau solaire pour
être plus autonome.
Mais
pour les techniciens le projet doit être plus ambitieux, technologique et
innovateur... « il faut penser en grand », ce qui donne en d’autres
termes : utilisation d'un fongicide pour désinfecter la paille avant
l'ensemencement, le possible achat d'un autoclave super consommateur en
énergie, le montage d'un plan d'exportation car pour TOUTES les nouvelles
microentreprises productives, l'objectif est l'exportation, le prestige du
Chili, la grandeur économique s’il vous plait ! ... et en attendant les
Chiliens ne voient pas la couleur du changement.
La
discussion avec les ingénieurs fut vite limitée, mais j'ai pu parlé un bon
moment avec Victor (possibilité de produire biologiquement, recyclage de l’eau,
sensibilisation du consommateur et développement du marché local) et j'espère
que ce sera constructif. Il ne s’agit pas de faire du champignon la même chose
que du Choro Zapato, moule géante de 20cm,
utilisée (autrefois !) dans la cuisine chilienne... et qui aujourd’hui en
fait seulement partie en rêve, puisqu’en totalité exportée vers le Japon et l’Asie.
Peu à peu j'ai
bien senti que je prêchais en terrain miné, mais c'est là que c'est interessant
ou plutôt désolant. La ville de Copiapo s'assèche de plus en plus à cause de la
production de raisins de table pour l’exportation, et à cause de l'exploitation
du cuivre... les mines utilisent énormément d'eau dont 98 % est recyclée...
mais les 2 % gaspillés sont des milliers de m3 par jour. Personne ne se
projette dans l'avenir, quand la ressource sera épuisée, car pour l'instant,
l'important est de s'en mettre plein les fouilles. Choix périlleux pour une région
du désert le plus aride du monde !!!
Le deuxième
jour, nous sommes allés à l'Alto del Carmen 200 km plus au Sud... un long
trajet sur une route, plus rectiligne ya pas ! Un paysage incroyable où nous
avons rencontré 11 familles qui font du tourisme.
Très bon
accueil, avec uvas de asombra (raisins séchés à l’ombre), pajarete (vin dont
les raisins ont fermenté dans la paille), chicharro (sorte de pois chiche au goût
bien plus raffiné), glace à la cannelle... un régal !
J'ai présenté l’histoire
de la Rougerie, ce qu'est Anes à Chroniques et Acceuil Paysan... les personnes
ont été enthousiasmées, très intéressés mais je crois bien que le discours n’était
pas tellement en accord avec l’institution !
SERCOTEC finance,
une entreprise de consulting encadre et développe l’idéologie de marketing : on
parle de produit touristique, de packaging, de mission de marketing,
développement du tourisme d'entreprise. Toujours agrandir, toujours plus,
vendre du vin mais le sac ou la chemise qui va avec, ça fait mieux ! Genre
souvenir quiche « à forte valeur ajoutée».
Mais le pire n'est pas là...
Ils sont en
train de former un groupe, un petit réseau, et trois sujets sont considérés
comme HORS SUJET : la politique, la religion, et la mine. Oui, la mine, car cette
vallée est celle de Pascua Lama... ce projet argentino-chilien d'une
gigantesque mine qui va détruire plusieurs glaciers, asseché et pollué les
cours d'eau, et dont (cerise sur le gateau) l'exploitation est étrangère (multinationale
canadienne). Le projet fut autorisé sous la présidence de Lagos, qui aujourd’hui
fait partie de la commisssion de l’ONU sur le changement climatique !
( http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascua_Lama
)
Revenons au
petit groupe bien motivé, qui malgré leur marke-packaging, reste bien
sympathique... Sercotec finance les investissements (plusieurs millions),
motive et encourage; mais d'ici quelques années ce sont plusieurs milliers de
camions qui vont se croiser sur une route comparable aux Gorges du Tarn, dans
une vallée tout aussi étroite. Et quand je pose la question de la cohérence des
deux projets... "certes il va y avoir gène mais peu car par rapport au
village la route est éloignée"...de 200m !!!
Sujet
hypersensible car mine = camion qui veut dire bruit, danger de circulation,
pollution, dégradation, mine = pollution de l’eau qui veut dire pas de baignade
et Chao les vacanciers !
Le gouvernement
Chilien serait-il skizophrène : exploitation minière et développement
local touristique ? Ou serait-ce de la pure régulation sociale ?
C’est par ici
que sera la mine... et l’on peut lire sur le mur des maisons « PASCUA LAMA ,
PAN PARA HOY, HAMBRE PARA MAÑANA » Pain
pour aujourd’hui, Faim pour demain...
Jouer avec l’espoir
des gens, faire croire, plannifier et rassurrer... politique de l’autruche !
Je vous
promets, ça donne envie de pleurer.
En attendant le
déluge,
le soleil réchauffe les coeurs
aigris,
l’étendue
désertique aspire le regard et le souffle,
le silence calme la colère...
Besos y abrazos de la